Tout se passe très vite. Malgré les mots de l'autre brune, Héléna ne se laissa pas intimider. Cette insolence ne resterait pas impunie. Prenant son courage à deux mains, sentant qu'elle n'était pas seule à savoir ce qui devait être fait, elle tendit sa main recouverte du bout de tissu. Les étincelles jaillirent des fils, menaçant quiconque s'en approchait. Ses doigts protégés entourèrent la zone visée. au contact, les bruits de claquement se stoppèrent. Affichant un petit sourire de satisfaction, la jeune femme approcha son autre main pour saisir la clé qu'elle arracha d'un coup sec de ses liens. Ils venaient de franchir la première étape grâce à son action. Cependant, Pandora sentait que le danger planait toujours au dessus d'eux et cette situation ne lui plaisait guère. Ce n'était que le commencement. Se décidant à ne pas s'afficher devant tout le monde comme héroïne, la clé fila entre les doigts de Bruce pour enfin déverrouiller le cadenas qui bloquait la suite du jeu. Un téléphone? La seule chose que cachait ce verrou sonna et l'homme répondit. Ce geste enclencha l'ouverture d'une trappe que les jeunes gens n'avaient pas déceler. Une échelle s'abattit avec fracas sur le sol de la bâtisse. Le jeu ne faisait que commencer.

Ils montèrent un à un à l'étage du dessus. Il faut avouer que Pandora tremblait légèrement. Son instinct et son sixième sens n'annonçaient rien de bon. La pièce qu'ils venaient de rejoindre baignait dans le noir complet, n'offrant aucun point de repère aux trois personnes. Cette obscurité n'arrangeait pas l'état dans lequel se trouvait Héléna. Un vent de panique parcourut son corps faisant apparaître un horrible mal de tête. Elle n'arrivait plus à réfléchir sans exprimer une grimace de douleur. La lumière finit par se montrer, tout d'abord par à coups puis illumina la pièce. Un grenier. Quelle scène de jeu agréable. Le point de douleur se fit plus intense sur sa tempe. La voix de l'hôte résonna, brisant le silence angoissant. Encore un défi? Elle finit par voir les chaînes accrochées au plafond, pendant au milieu du grenier. La voix poursuivit son discours. Donc l'autre femme se nommait Natasha. L'évocation de Nemo enclencha un doux frisson le long de son échine. Alors comme ça... La douleur bloqua ses pensées. Elle ne comprit que le but du jeu. Un long soupir s'échappa d'entre ses lèvres: "Sublime! Montons les, les uns contre les autres". Tout en parlant, elle marcha avec détermination jusqu'aux chaînes et s'arrêta à quelques centimètres: "Ça ne peut pas être pire que ce qui nous attend ensuite".

Pour moi c'était clair, le jeu et l'endroit tout entier était l'oeuvre d'un déséquilibré de la pire espèce. C'était vraiment n'importe quoi ; les pièges semblaient conçus pour infliger des blessures affreusement douloureuses bien que non mortelles, comme pour se rire un peu plus des pauvres hères qui ne manqueraient pas de tomber dans les mailles de l'infâme filet. Je devais bien dire que l'esprit tordu qui avait imaginé tout ceci devait être particulièrement brillant, mais teinté de sadisme, de cruauté, de perversion du génie créatif. Tout cela ne me plaisait décidément pas, mais mon âme de justicier me poussait à entrer toujours plus loin dans ce jeu pour éviter que les participants involontaires à cette expérience morbide ne se retrouvent blessés, mutilés, ou pire encore. Le mécanisme électrique finit par être ouvert, et je savais qu'il ne s'agissait là que d'un prélude à quelque chose de bien pire qui ne manquerait pas de se produire sous peu. Je percevais déjà la longue litanie de souffrance des participants, au fur et à mesure de l'avancée dans ce labyrinthe né d'un esprit malade. Quelle soirée en perspective! Bien entendu, un nouveau rire retentit avec force et ajoutait encore à l'atmosphère glauque du lieu. Choisir quelqu'un pour se faire torturer ? Bien entendu que le choix allait de soi, mais le problème était que si je me sacrifiais pour le bien des autres, qui savait ce qui allait pouvoir arriver à celui ou celle donc, resté en arrière ? Je ne pouvais garantir la sécurité de personne dans cet endroit, sauf en menant toutes ces énigmes à leur terme et à pouvoir sauver tout le monde. Rien ne me garantissait qu'en me sacrifiant, les individus qui poursuivraient seraient à même de venir à bout de ce jeu mortel. Et pire encore, je ne pouvais encore avoir confiance en aucun d'entre eux. Je ne les connaissais qu'à peine, et que pouvait bien peser la santé d'un individu sacrifié et laissé en arrière quand on nourrissait le désir ardent de sauver sa peau ? Forcément, pas grand chose. La voix retentit à nouveau, essayant sans conteste de nous monter les uns contre les autres. Mais en formant les groupes et en les suivant ainsi, le type retors qui se cachait derrière tout ça avait forcément laissé des traces derrière lui. Une fois son fiel déversé, l'individu nous laissa dans l'expectative avec un chronomètre remonté sur trois minutes, dont les secondes s'égrénaient déjà. Il allait falloir réfléchir vite et bien, et refuser de jouer intelligemment. Ce qui n'était pas facile, vu les conditions dans lesquelles nous nous trouvions actuellement...


Héléna prit les devants, se rapprocha des chaînes, et je comprenais presque aussitôt ce qu'elle avait à l'esprit. J'étais peut être prêt àà beaucoup de choses pour faire régner la justice et le bien, mais il fallait avouer que laisser quelqu'un d'autre se sacrifier à ma place ne figurait pas dans mes habitudes, et c'était quelque chose que je ne souhaitais en aucune manière que ce soit. Il fallait se rendre compte du problème à la fois moral, éthique et pratique que cela me posait. Est ce que remplacer Héléna porterait ses fruits, sans faire souffrir inutilement la donzelle ? Autre chose, je ne devais pas oublier que je devais toujours obtenir sa confiance... Et cela ne venait que complexifier un peu plus l'équation dans laquelle nous nous trouvions tous empêtrés. Je posais ma main sur la sienne pour la retenir.


| Tu n'as pas l'air d'aller bien. Tu dois sortir d'ici au plus vite et je ne suis pas certain que rester là te faire torturer va t'aider à aller mieux, si tu vois ce que je veux dire. Je veux bien rester là, mais tu dois me jurer de me tirer de là ensuite. |


Ca pouvait paraître immensément naïf, mais je savais ce que je faisais. Comment être jamais sûr d'elle sans jamais la tester ? La douleur, je pouvais la supporter. Et la mort... Cela ne m'avait jamais effrayé, et maintenant moins que jamais.