This is war.
Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or la terre n'était que solitude et chaos; des ténèbres couvraient la face de l'abîme, et le souffle de Dieu planait à la surface des eaux. Dieu dit: "Que la lumière soit!" Et la lumière fut. Dieu considéra que la lumière était bonne et il établit une distinction entre la lumière et les ténèbres.
Il été né dans la lumière, quelque part en Pologne. Une femme allongée sur un lit accompagnée de sa mère qui lui épongeait le front, la sage femme plantait les aiguilles pour soulager la douleur avant de se mettre en position pour récupérer l'enfant qui devait naître des entrailles de la jolie blonde en larmes. Les juifs ont toujours été brillants de leur médecine, l'hygiène et la prise en charge de la douleur leur été propre dans des techniques peu connues. L'enfant est né dans un ultime sanglot de sa mère poursuivie par celui-ci par un cri d'animal blessé de l'enfant violet avant d'être cajolé avec tendresse tandis que les Youh youh clamait la naissance de l'enfant. Ce fut dans cette euphorie que la grand mère sorte annoncer la nouvelle aux hommes agglutinés dans la pièce voisine à fumer comme des pompiers, tandis que les femmes pleuraient de joie devant l'enfant « C'est un Garçon ! Tu as un fils Zéèv ! » Les hommes manifestaient leur joie alors que Zéèv laissait une larme de bonheur couler le long de sa joue. Le fils tant attendu était arrivé, il veillerait sur ses trois soeurs et honorera ses parents, il serait sa plus grande fierté quoi qu'il arrive, il était son fils. Yaâqov (Jacob) le protecteur, Gabriel la force de dieu. Nulle autre naissance en ce monde n'aurait pu être plus heureuse ce jour là.
Il avait grandi dans cette famille, chouchouté par mère, soeurs, grand-mère, tantes et cousines... Son père exposait fièrement son gamin à ses frères. Il était un petit ange blond aux yeux d'un azur si pur et merveilleux, il était un don de dieu et ils n'avaient jamais cessé de le remercier pour cela. Yaâqov a baigné dans cette culture israélite, ils étaient comme dans un monde à part, une communauté aimante et entre aidante. Il était épanoui et suivait les rites avec respect et dévotion, tels le Shabbat ou le Roch Hannah. Puis il eut la première guerre mondiale, son père est parti mais il n'est jamais revenu... Beaucoup de ses oncles ont disparu de la sorte, il n'avait que six ans et s'il ne se souvenait pas des détails de cette guerre, l'enfant savait que les Allemands avaient été responsables et qu'ils les haïssaient de tout son coeur de lui avoir volé son père. Maintenant, c'était lui l'homme de la famille, il était bien trop jeune. Si la guerre et l'occupation fut assez floue dans ses souvenirs, la libération restait gravée dans sa mémoire. Cette euphorie, les cris de joies « la guerre est finie ! », l'alcool, les rires, les larmes et cette volonté de se dire qu'ils n'étaient pas mort pour rien...
La vie devait reprendre son cours, il avait 10 ans quand la Pologne fut rétablie. Jamais il n'avait été plus fier que de célébrer le rite initiatique qu'est la Bar Mitsvah à l'âge de 13 ans, il devenait un homme et ce fut très émouvant pour toute la famille, il aurait tellement voulu que son père soit là, Rabbin avait dit qu'il l'observait, mais Yaâqov aurait voulu le voir et lui dire une dernière fois comme il l'aime et qu'il pouvait compter sur lui car désormais il était un homme et veillerait sur sa famille quoi qu'il arrive. Il parlait aussi bien le polonais que l'hébreux, ils étaient à part mais qu'est-ce que ça pouvait faire ? Comme bien souvent dans les familles juives les mariages sont arrangés, la guerre avait causé une pénurie d'hommes ce qui laissait un peu de choix à Yaâqov, mais il l'avait choisi depuis longtemps. Rousse, belle, douce, souriante et rebelle ; c'était Sara qu'il aimait. Alors dès ses quinze ans, il fit le premier pas vers elle, loin de penser devoir subir son rejet, il en avait beaucoup souffert. Heureusement, sa mère était là pour lui expliquer qu'avec les femmes ce n'était pas du tout cuit, qu'il devait la séduire. Alors plein de courage, l'ange s'est approché du démon roux et à l'âge de 15 ans et demi, ils échangèrent leur premier baiser. Voila comment il avait conquiert sa femme.
Dieu dit: "Faisons l'homme à notre image, à notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail; enfin sur toute la terre, et sur tous les êtres qui s'y meuvent." Dieu créa l'homme à son image; c'est à l'image de Dieu qu'il le créa. Mâle et femelle furent créés à la fois. Dieu les bénit en leur disant "Croissez et multipliez! Remplissez la terre et soumettez-la! Commandez aux poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, à tous les animaux qui se meuvent sur la terre!"
Il s'est marié à l'âge de vingt et un ans, il était si heureux qu'il pensait que jamais rien ne pourrait détruire sa vie. Quelques mois plus tard, Sara était enceinte, il fallait dire qu'ils avaient beaucoup attendu ce moment. Yaâqov était devenu un très bon menuisier tandis que Sara était aide soignante, ils n'étaient pas très riches mais vivaient très bien et surtout très heureux. La famille a vite grandie, ils avaient trois filles (Eden, Gadiela et Lévia) plus belles les unes que les autres et deux garçons (Adam du premier homme et Zéèv en souvenir de son père) assez turbulent et très affectueux. Sa mère est morte alors qu'il avait vingt-sept ans, son chagrin fut immense mais Sara était là pour le soutenir. La vie devait continuer... Souvent il prie pour ses deux parents, il regrette sans cesse de ne jamais leur avoir suffisamment dit son amour peur eux.
Or, aucun produit des champs ne paraissait encore sur la terre et aucune herbe des champs ne poussait encore; car l'Éternel-Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre, et d'homme, il n'y en avait point pour cultiver la terre. L'Éternel-Dieu façonna l'homme, - poussière détachée du sol, - fit pénétrer dans ses narines un souffle de vie, et l'homme devint un être vivant...
1939, l'Allemagne envahit la Pologne pour transgresser le dictate de Versailles. "Tout irait bien" promit Yaâqov à ses enfants. « Papa, pourquoi on nous montre du doigt ? » "Parce que nous sommes juifs Zéèv..." On avait dit plus jamais de guerre, plus jamais cela. Et bien finalement, son père était mort pour une vingtaine d'année de paix... Pour rien. Alors que Yaâqov songeait à la fuite, un Allemand est entré chez eux appelant le chef de famille pour prendre le train. Il embrassait sa famille, prit sous les ordres de l'officier un minimum de bagage : un verre et une assiette, un couteau et la Torah. Il promit à ses enfants de revenir très vite, Sara en larmes. Les derniers mots qui leur avaient dit furent des mensonges. "Nous serons très bientôt réunis." Jamais plus il ne revit sa famille. Il avait 32 ans, il n'avait pas eu la force de dire à ses enfants qu'ils allaient tous mourir... Qu'ils se reverrons dans le bras de Yahvé après un massacre qui les attendait tous...
L'Éternel-Dieu planta un jardin en Éden, vers l'orient, et y plaça l'homme qu'il avait façonné.
Déporté en Allemagne, il fut d'abord placé dans un camp de travail avec des centaines de ses semblables. Il n'y avait ni femmes, ni enfants ici. Tous souffraient, mais la solidarité était là. On leur avait volé leurs bijoux, ils savaient qu'ils étaient foutus. La Torah sous l'oreiller, ils priaient pour que dieu leur vienne en aide, mais dieu n'avait pas entendu... Ou dieu aussi, ne savait que faire face à la folie humaine. Il était resté six mois dans le camp, il en avait vu des camarades mourir, des amis... La douleur s'était prit de lui, il ne se passait plus une nuit où il ne pleurait pas au chevet d'un camarade dont les forces le quittait, c'était si douloureux... Jamais il ne s'en relèverait... Yaâqov était devenu si mince en quelque mois, carencé en toute sorte de nutriment, il était épuisé mais il se battait. Transféré dans un autre camp, la vie fut encore plus rude. Tatoué sur le bras comme un animal, il était le numéro 7 329. L'enfer continuait et il sentait qu'il allait mourir d'un instant à l'autre, le travail était trop dur, l'insalubrité trop importante... Malade, il savait que c'était la fin.
L’Éternel-Dieu prit donc l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le soigner.
A l'infirmerie, si on pouvait appeler cela ainsi. On jetait déjà les plus mourants dans la fosse alors qu'ils respiraient encore, c'était bientôt son tour, il le savait. Mais ce jour là ; l'officier contemplait l'homme qu'il était sous tous les angles comme un morceau de viande dans une boucherie casher. Ce type était pale, froid et étrange. Il avait observé les blessés, Yaâqov était celui en meilleur état, il ne lui manquait ni jambe ni bras et pas le moindre orteil sectionné, il était juste squelettique et pâle comme la mort. L'hébreu plu à l'officier qui l'emporta. Il n'y avait que des allemands dans ce QG, et le juif ne comprenait de cette langue que les ordres à force d'avoir été frappé face à son incompréhension dans les camps. Soigné, il ne comprenait pas pourquoi l'on faisait cela pour lui. Ils étaient une petite dizaine de juifs blonds aux yeux bleus, ils n'avaient pas le droit de se parler. Ils devaient guérir au plus vite. Plus tard, il compris que le physique ne fut pas le seul point commun, ils étaient tous dix du groupe sanguin O-. Une fois la santé rétablie on le fit entrer dans le salon des officiers. S'il avait pensé voir toute l'inhumanité des Allemands dans les camps, c'était bien après avoir rencontré les vampires nazis. Traité comme esclave et banque de sang, Yaâqov avait fini par perdre la raison... Injurié, humilié, il n'avait plus rien... La mort aurait été plus douce.
L’Éternel-Dieu donna un ordre à l’homme, en disant: "Tous les arbres du jardin, tu peux t’en nourrir; mais l’arbre de la science du bien et du mal, tu n’en mangeras point: car du jour où tu en mangeras, tu dois mourir!"
Son quotidien fut un calvaire. Entre les morsures et les travers des vampires, il pensait qu'il ne tiendrait jamais. Pour se divertir, les Allemands avaient monté un ring où ils forçaient les juifs à s’entre-tuer en pariant l'or volé aux siens. Yaâqov était l'un des plus fort, il agissait tel un automate ayant perdu son âme, il obéissait sans cesse, il était brisé au fond de lui. Récitant sans cesse les lignes de la Torah tel une machine à rendre fous les officiers ; mais il était un garçon très divertissant pour eux. Il avait tenu trois années ainsi, si personne n'avait parié sur lui et bien il était désormais une "célébrité" à qui l'on espérait trouver ennemis qui puisse le terrasser et faire de cet ultime combat un spectacle grandiose. Quelque peu égaré en rase campagne Allemande il ne savait pas ce qu'il se passait autour de lui, c'était la guerre voila sa réalité. 1945, alors que la guerre commence à être perdue, Yaâqov l'ignorant se tenait une fois de plus debout sur le ring ; mais cette fois il avait perdu. Il n'était pas mort, son adversaire avait cessé sur ordre ; l'officier s'était approché du blondinet et s'abreuvait de son sang jusqu'à le tuer. Il avait 37 ans. Ce fut derrière la maison qu'ils furent enterrés pendant trois nuits, quand il avait ouvert les yeux ; Yaâqov n'avait jamais eu aussi soif. Cette envie le dévorait et il ne savait plus penser à autre chose, nourri par son créateur du sang de celui qui l'avait battu sur le ring. Il avait mangé le fruit défendu du mal. Allongé dans le cercueil, il ne bougeait pas. Il attendait, quatre jours et cinq nuits enfermé. Quand le délai fut passé, jamais l'officier lui avait ouvert le cercueil. Il avait attendu, récitant sans cesse le saint testament. Il était loin d'avoir idée que la guerre était terminée, qu'il y avait encore des cris de joie comme en 1918, la joie n'existait plus, ne restait que la honte et la colère. Et comme son père, il était mort pour rien.
"C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, - jusqu'à ce que tu retournes à la terre d'où tu as été tiré: car poussière tu fus, et poussière tu redeviendras!"
Si l'officier n'avait jamais pu ouvrir ce cercueil, c'était bien parce que les coups de fusils les avait tués, du moins. C'est ce qu'ils avaient crus. Probablement auraient-ils pu survivre si les soldats français n'avaient pas brûlé le bâtiment après l'avoir vidé. Oui, c'est un français qui l'avait libéré, éclairant l'homme allongé dans le cercueil à l'aide d'une lampe torche, stupéfait d'y trouvé quelqu'un et non pas des bijoux volés. Pensant qu'il s'agissait là d'un Allemand qui avait voulu se cacher, il pointait le canon vers le blondinet qui se protégeait de ses deux bras, laissant apparaître le numéro 7 329. "Un prisonnier" déclarait le français sans que Yaâqov n'y comprenne rien à cette langue étrange. Emporté, il suivait silencieusement, épuisé et assoiffé ce type jusqu'à un autre camp où il fut longuement interrogé sans que jamais il ne réponde autre chose que les verset de la Torah dans sa langue de croyance que nul ne pouvait comprendre. A l'infirmerie l'on s'interpellait sur son état de santé, l'homme avait soif... Sa soif ne cessait de grandir, bien sur le médecin avait compris. C'est ainsi qu'une nuit il fut transféré pour un soit disant hôpital psychiatrique, il fut en réalité enfermé il ne savait où au milieu de vampires qui lui servait à manger des nazis.
Il était resté là, enfermé dans l'obscurité. On avait tenté plusieurs approches, mais le vampire qu'il était, était une bête. Nul ne pouvait l'approcher sans craindre de se faire attaquer. Récitant sans cesse, il rendait les geôliers complètement fous. Un jour il l'ont emmené dans ce camion, il s'était laissé faire ; ne comprenant pas un seul mot de français, offert aux Russes avant la guerre froide. Le mur de Berlin avait divisé le monde, et les russes n'eurent pas la main tendre avec le blondinet : C'est la guerre ! Mais ça, il était au courant... Ce serait toujours la guerre... Attaché, on le libérait en lui désignant les fuyards qui tentaient de passer de l'autre coté du mur, s'abreuvant de leurs êtres sous les ordres des soviétiques, capturé par la suite pour être à nouveau enfermé. Un quotidien dans le fond moins compliqué qu'avec son officier en Allemagne, on lui adressait des ordres en Allemand pour qu'il comprenne. Doucement il sombrait un peu plus dans cette folie dévastatrice noyée de prières. En 1991 la guerre est finie, du moins pour la plus part. En Russie, Yaâqov restait cloîtré une fois de plus, protégé par les autres vampires, le pauvre dément était dévoré par l'envie de sang humain, une soif intense. Personne ne lui avait appris à se contrôler, on s'était contenté de le garder prisonnier et de profiter de ses capacités à tuer sans le moindre remord. Plus tard il sera trimbalé en Autriche avant de refaire une nouvelle excursion en Allemagne, on pensait l'avoir sous contrôle, mais sa folie dépassait l'imagination, il ne s'attachait à rien, il avait juste cet instinct de survie et de tuer. C'était la guerre. Puis en 2007 il est arrivé en Ecosse par cargo, effrayé, il ne savait vraiment où il allait, il ne comprenait toujours rien à ce qu'on pouvait bien lui dire. C'est à cet instant qu'il s'était échappé. Se cachant longuement, il craignait de voir les soldats arriver (n'oublions pas que dans sa tête c'est toujours la seconde guerre mondiale). Plus tard il serait traqué, puis un jour ils lui sont tombés dessus. Un shérif à ce qu'il parait, Yaâqov c'était défendu de toutes ses forces le prenant pour un nazi. Mais la lutte fut perdue, alors qu'il aurait du être exécuté, il fut enfermé dans un cercueil d'argent sans qu'il ne comprenne ce qui lui arrive. Hurlant de toutes ses forces, personne ne l'avait jamais entendu et il se plongeait dans cet état de latence d'une soif torturante...
L'Éternel-Dieu dit: "Voici l'homme devenu comme l'un de nous, en ce qu'il connait le bien et le mal. Et maintenant, il pourrait étendre sa main et cueillir aussi du fruit de l'arbre de vie; il en mangerait, et vivrait à jamais."
Six ans plus tard, le cercueil était ouvert et le Messie était là. Nourrit puis relevé, il sortait de son enfer obscur. Apeuré, il lui fut apprendre quelques mots d'anglais. Comportement fuyant et agressif, Julien avait du le dresser et si Yaâqov en avait beaucoup souffert ; il savait qu'il serait toujours protégé par cet homme. Yaâqov avait du apprendre la frustration face à ses pulsions, on n'avait plus compté les hurlements et les crises de colères du blondinet mais la patience de Julien avait eu raison de lui. C'est ainsi qu'il avait appris à canaliser ses pulsions, bien que souvent un petit recadrage était de rigueur. Sa folie de se croire encore en pleine guerre était inconnue de tous, parlant la plus part du temps en hébreux, nul ne pouvait comprendre ses souffrances, cette terreur qui le rongeait. Il devait se battre pour vivre, le temps s'était arrêté. Comment aurait-il pu croire que la guerre avait cessé puisqu'il y avait toujours eu un ennemi à combattre ? Il était devenu l'exécuteur de Julien (bien qu'officiellement il était agent de sécurité), il n'y avait qu'à celui-ci qu'il obéissait, le seul avait qui il avait tissé une sorte de lien. Yaâqov était le dominé dans l'histoire, il lui était fidèle et obéissant ; faisant tout ce qu'il pouvait pour lui plaire bien que parfois sa folie le poussait à agir sous le poids de pulsions de violence et de colère intense. Mais il n'y avait nulle crise où Julien n'avait réponse, tel un épileptique, Yaâqov sentait lorsque ses choses arrivaient. C’était cette folie qui le rongeait, les images du passé qui le faisait hurler dans ses cauchemars les plus horribles, c’était tout ce qu’il avait perdu qui le faisait pleurer devant le miroir face au reflet de la mort qu'il était devenu et c’était l'agonie de l’espoir qui le faisait prier sans cesse.
L'Éternel vit que les méfaits de l'homme se multipliaient sur la terre, et que le produit des pensées de son cœur était uniquement, constamment mauvais; et l'Éternel regretta d'avoir créé l'homme sur la terre...