Trishka Aria ERAGOVNA

Mirror, mirror

Histoire

« Ma vie est un chantier et pourtant, j'ai toujours su m'en sortir. Probablement ai-je toutes les raisons de me haïr, mais je n'ai fait qu'écouter l'appel de la liberté et finalement elle ne m'a jamais rendue aussi heureuse que je l'aurais voulu... Me suis-je trompée ou ne suis-je pas allée assez loin ? A moins qu'il fut toujours là sans que je ne le voie... »

La chaine stéréo diffusait une musique rythmée dans tout l'appartement, dansant en cadence sur les notes qui s'échappaient de l'appareil, elle préparait son dîner après une longue journée où les enfants n'avaient eu de cesse de l'épuiser, ce regain d'énergie de leur part n'était dû qu'au fait que les vacances leurs tendaient les bras et pour tous ce moment était une joie, une petite pause dans leur vie d'écolier. Portant la cuillère en bois à ses lèvres pour goûter la sauce, Trishka entendit son téléphone portable émettre une sonnerie qui ne signalait rien de bon. Deux sonneries et tout s'arrêta, elle se tourna lentement vers son Iphone qui s'était mis à vibrer lui indiquant l'arrivée d'un nouvel sms. Elle prit le torchon pour s'essuyer les mains avant de récupérer la télécommande de la chaîne pour stopper la musique, elle déverrouilla le clavier et elle appuya sur le nouveau message. L'expéditeur était inconnu mais elle se doutait parfaitement de la provenance de cette nouvelle menace contre elle, son père avait augmenté encore le prix pour sa tête et cerise sur le gâteau il avait envoyé un membre de sa petite cour personnelle pour venir lui régler son compte. Si tout son corps était devenu raide par la nervosité, elle n'était plus vraiment consciente de tout ce que cela pouvait prendre comme importance. Elle était habituée à cette vie, elle était habituée à la haine que son père lui vouait. Il avait voulu d'une vie pour elle qui n'était pas la sienne et qui ne le serait jamais.
 
Il ne la lâcherait jamais, tant qu'il n'aurait pas sa tête sur un plateau d'argent il ne serait pas satisfait. Elle avait tout donné pour qu'il la regarde, qu'il soit fier d'elle. Elle avait été le parfait petit soldat de son père, bien sûr elle n'était pas le fils qu'il attendait mais elle avait tout fait pour pallier cet aspect-là. Elle connaissait le pouvoir qu'elle détenait entre ses mains et quand on lui avait présenté son époux, elle n'avait émis aucune protestation, montrant ses plus beaux talents de comédienne alors qu'elle bouillait intérieurement d'une rage folle. Elle avait été vendue, purement et simplement vendue au plus offrant de la pègre, un faire-valoir, un simple objet qui loin d'être désagréable pouvait en plus permettre d'assouvir ses pulsions sexuelles. Un chevalier aurait pu la sauver à ce moment-là, il s'appelait Adam et il était pour elle tout ce qui pouvait bien compter sur cette terre. Elle se souvenait d'un jeune garçon qui avait fait irruption dans sa vie alors qu'il n'avait que douze ans, il était devenu un homme, elle avait pris un corps de femme mais son cœur ne battait au fond que pour lui-même si la noirceur le gagnait petit à petit. Elle avait espéré un signe de sa part, qu'il la sauve comme elle en avait rêvé tant de fois mais il l'avait laissé partir, et Trishka s'était retrouvée la corde au cou.

Son esprit revint à la réalité quand elle entendit l'alarme incendie se mettre en route alors que le repas était en train de brûler. Elle prit la casserole, la jetant dans le lavabo avant d'ouvrir l'eau froide pour calmer le feu qui commençait à prendre dans la pièce. Elle soupira doucement, glissant une main dans sa nuque, massant légèrement les nerfs qui semblaient se bloquer sous la pression. Elle ne pouvait tout remettre sur le dos d'Adam, de son père ou des sbires qui avaient façonné son destin. Elle aurait pu rester dans le droit chemin, c'est-à-dire être une bonne épouse qui donnerait plusieurs héritiers avant de se retrouver mise de côté, remplacée par un défilé de maîtresses et priant, une fois ses enfants grands qu'ils ne trouvent pas la mort dans la dur loi de la mafia. Elle avait fuis, elle réussit à divorcer de celui qu'elle avait du appeler mon mari mais elle n'avait pas su quitter véritablement la mafia. Être tueuse à gage n 'était qu'une branche de plus de la mafia et c'était là qu'elle était devenue la proie. On avait volé son coeur et elle s'était envolée pour Gotham, appelant à la rédemption dans une ville où elle pensait passer inaperçue. Elle s'était trouvée un appartement charmant, elle s'était faite engagée comme institutrice dans l'école primaire du quartier, elle était aimée des enfants et elle aimait ces petites têtes qui vivaient encore dans l'innocence. Elle voulait une vie normale, dans une ville qui était loin de l'être. Son oncle se mettant en tête de la protéger, dans le seul but de faire enrager un peu plus son frère dans une concurrence de deux enfants pourries.

Elle s'approcha doucement du miroir qu'elle avait fait installer dans le salon et se regarda alors fixement. Elle n'avait que vingt-cinq ans et pourtant elle avait l'impression d'avoir déjà eu le temps de vivre toute une vie entière.

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